
De nombreux peintres à l’huile pensent qu’il est possible d’appliquer le vernis dès que les couleurs deviennent dures au toucher ; Que Nenni, les choses sont un peu plus complexes que cela.
Une huile ne sèche pas, elle durcit
Le séchage représente le phénomène d’évaporation, privant une substance d’une plus ou moins grande partie de son élément liquide. Pour l’huile, c’est l’inverse qui se produit puisque c’est l’oxygène qui est capturé. Cette absorption d’oxygène augmente le poids et le volume de l’huile, rendant sa densité plus importante au fil du temps. Par conséquent, plus la pâte picturale est épaisse, plus long sera le processus de durcissement. On dit alors que l’huile siccative.
Raison pour laquelle une peinture à l’huile doit être aérée, ne devant pas être mise sous verre ou isolée par une couche prématurée de vernis.
Un délai variable
Ce processus de siccativation peut être très long, la patience est donc indispensable avant de pouvoir appliquer un vernis définitif. Les délais varient en fonction des conditions environnementales (températures, taux d’humidité, etc…), des éléments composant la peinture (taux d’huile, résine ou essence) ainsi que de son épaisseur. Plus une peinture sera fine, légère et ventilée, plus rapide sera le durcissement. Au contraire, une pâte trop épaisse et trop grasse peut même ne jamais durcir dans sont intégralité, l’oxygène ne parvenant pas à atteindre la profondeur de la pâte. Le durcissement complet d’une peinture peut donc varier entre quelques jours à plusieurs années, voir des siècles si un excès d’huile non ou peu siccative a été employé.
Les huiles de lin, de carthame, d’œillettes, etc. ont un temps de siccativité différent. Voir l’article sur le sujet. Certaines étant plus rapides que les autres.
Appliquée en couche fine, la peinture durcira en quelques jours. En couches épaisses, plusieurs semaines ou mois seront nécessaires. Dans le cas des empâtements, mieux vaut utiliser un médium adéquate. Le médium d’empâtement, composé de résine et de plâtre, permettra de faire durcir la pâte en son coeur. Quoi qu’il en soit, il faut toujours attendre au minimum 1 an avant d’appliquer un vernis définitif.
Si une protection est nécessaire avant ce délai (en vue d’une exposition par exemple), alors c’est là que le vernis à retoucher entre en jeu. Celui-ci s’applique rapidement après l’achèvement de l’oeuvre et permet de protéger la surface picturale temporairement.
Précautions
- Attention, car des couleurs trop grasses peuvent provoquer des coulures, des empoussièrages (incrustation de poussières sur la surface) ou bien rendre la peinture poisseuse. Il est donc important d’utiliser les huiles avec parcimonie. Il s’agit bien évidemment d’huiles siccatives (lin, œillette, carthame), et non d’huile industrielles ou alimentaires qui ne sont en aucun prévues pour durcir.
- A contrario, un durcissement trop rapide peut engendrer des craquelures, des décollements ou des boursouflures. C’est pourquoi, l’ajout de médium siccatif (accélérateur de séchage) dans les couleurs à l’huile ne doit pas dépasser les 4 à 5%. Ajouté en trop grande quantité, le durcissement serait inégal et provoquerait alors des crevasses et des craquelures.
« Il faut laisser à chaque couleur le temps qu’elle exige pour arriver au degré de siccité voulu, et l’emploi des siccatifs dans la peinture artistique est absolument inadmissible. »
Jacques Blockx. Compendium. 1922
Astuce
Certaines couleurs durcissent plus rapidement que d’autres : les noirs, les laques, l’outremer et le vermillon par exemple sont peu siccatifs. Au contraire, les plus rapides sont les ombres (naturelles et brûlées), les cadmiums et le vert émeraude entre autres.
On connaît tous l’astuce qui consiste à insérer un couteau dans le creux d’un gâteau sortant du four afin de savoir si celui-ci a atteint la bonne cuisson ; et bien cette méthode est adaptable dans notre cas, il suffit d’insérer une aiguille à l’endroit du tableau où la pâte est la plus épaisse, si elle ressort propre et nette, c’est que l’intégralité de la pâte est dure !